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URNE FUNÉRAIRE grand modèle

Enveloppe en tissus, ballon en latex, cordelette
420 x 170 x 170 cm
Crédit photographique : Hélène Laborderie et François Narboux
Visites d’ateliers, Centre d’art plastique de Saint-Fons, 1997

 

Les urnes du ciel

15 aout 2004. Petit matin. Un ballon d’Hélium blanc s’élève au-dessus des collines, emportant avec lui une enveloppe conique en tissus blanc. A mesure qu’elle prend de l’altitude, la sphère se dilate, mettant en tension de minuscules cordons, qui lentement retournent l’enveloppe sur elle-même, libérant dans l’atmosphère, au milieu des nuages, les cendres d’un être humain mort il y a peu. Avec ses Urne, Rodolphe Montet propose un rituel nouveau, aux importantes conséquences anthropologiques et esthétiques. Car il s’agit bien de donner une forme nouvelle à la mort, de l’arracher à toute la pesanteur romantique, pathétique que lui avait conféré la tradition occidentale. Evidence d’une proposition, qui par sa légèreté et sa délicatesse, rompt radicalement avec deux millénaires d’art funéraire.

Celui-ci a longtemps joué un rôle de premier plan dans l’art occidental. Qu’il s’agisse de l’apparition du portrait ressemblant au XIIIe siècle sur les gisants puis sur les transis, ou encore les véritables performances d’art total que représentent les funérailles entre la fin du XVe et le XVIIe siècle. De fait, une large partie de l’art chrétien, jusque dans ces dimensions les plus monumentales (les basiliques) s’est érigé sur et autour de cadavres. « Les morts appellent les vivants » disait l’adage. C’est bien parce que l’image était réputée pouvoir rendre présent les absents qu’elle s’est développé de façon privilégiée dans le contexte funéraire.

La crémation lorsqu’elle est accompagnée d’une dispersion des cendres, s’oppose structurellement au tombeau, en ce qu’elle vise à faire disparaitre toute trace matérielle durable du corps du défunt. De façon assez logique, bien qu’elle soit légale depuis 1889, et qu’elle concerne en France 30 % des défunts, cette pratique n’a pour l’instant été à l’origine d’aucune production artistique spécifique.

Pour respecter ce désir de disparition, les urnes nouvelles de Rodolphe Montet ne proposent pas de lieu de mémoire, mais le support matériel d’un rituel à inventer. Ces nacelles transparentes laissent entrevoir les cendres que les urnes traditionnelles cachent, pour mieux mettre en scène leur disparition dans les airs.

H. Belting, Pour une anthropologie de l’image, Paris, Gallimard, 2001, p. 184-185.

Pierre-Olivier Dittmar
EHESS Paris

 

 

URNE FUNÉRAIRE petit modèle

Papier, ballon en latex, cordelette
250x40x40cm
Crédit photographique : Hélène Laborderie
Hor, La Salle de bains, L’Atelier des maquettes, Lyon, 1996
Visites d’ateliers, Centre d’art plastique de Saint-Fons, 1997
EvansandWongCatalogue, Fondation des 3 suisses, Paris, 1998
Dernière demeure contemporaine, Crématorium du père Lachaise, Paris, 1998
Urna Funeraria, Musée Luigi Pesci, Prato, Italie, 2001