La beauté des pièges
par Pierre-Olivier Dittmar
Cet acte libératoire est caractéristique des productions de Rodolphe Montet qui font de l’élégance un préalable au renouvellement des questions les plus fondamentales et les plus pesantes : non seulement le deuil mais aussi le désir, la sexualité, la pulsion. A chaque fois, il s’agit d’éviter une rhétorique de l’aveu, de désamorcer chez le spectateur le désir futile d’une interprétation psychologisante, la recherche toujours réductrice d’un « sale petit secret » de l’auteur. De fait, l’ensemble de l’œuvre est constitué de pièces où la main de l’artiste est invisible, d’objets inhumains en quelque sorte, dont la manière se situe à l’exact point de rencontre de l’organique et de l’industriel. Que cela soit par l’absence de touche, par le prolongement de processus naturels ou par la rigueur mécanique de certains assemblages, ils effacent toute trace du processus créatif, toute évocation de l’auteur, pour mieux s’autoriser une exploration sans limites de l’intime.
Attraction, tension, gravité
Quels sont les effets d’une attraction ? d’un corps désirable ? Quelles tensions crée-t-il et quelles en sont les conséquences ?
Ces pièces prennent appui sur les stéréotypes du genre pour mieux les défausser : à force d’attraction, les différents attributs sexuels masculins et féminins (couilles, fentes…) finissent par s’hybrider et se compenser, par s’interpénétrer pour enfanter des créatures paradoxales et tendues, ornementales ou grotesques. Car cette œuvre basée sur la délicatesse possède son envers, une série d’installations tantôt chaotiques tantôt méchantes, rappelant assez le rire profanatoire d’un Gérard Gasiorowsky. Ici le désir est montré par ses excès et ses débordements (On passe à table, 2006), ou par le tableau de chasse de ses malheureuses victimes (Crash-test, 2010).
Explosion
Au fil de cette évolution, l’horizon s’est profondément modifié pour se doter d’une dimension politique nouvelle. Ces attractions qui semblaient si naturelles, animales et organiques, apparaissent désormais sous un jour industriel nouveau. Les métaphores se sont retournées : la bombe n’est plus une femme, mais bien un objet de destruction.
Ainsi, ces formes parfaites, lisses, oblongues ou pointues, interrogent ce qui nous attire pour mieux nous détruire. Sans que l’on sache s’il faut être horrifié ou bien fasciné par la beauté des pièges.
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